Babacar Khane
Chers Amis en l’Esprit,
Janvier 2015
INDRYIYANAM MONONATHA. MONONATHASTU MARUTA MARUTASTHA LOYA NATHA SA LOYA NADAM ASHRITA : Le mental est maître des
cinq sens, et le maître du mental est la respiration profonde. PRACHHARDANA BIDHARANABHANG PRANASYA : pour calmer le mental, on doit inspirer et expirer profondément.
(Swami Hariharananda Giri, Kriya Yoga)
Au seuil d’une nouvelle année endeuillée par de nombreux évènements tragiques, revenons sur les origines de la vie et le respect qui lui est dû. L’âme humaine est un rayon de l’Être Suprême, une petite bulle de lumière issue du souffle divin. Selon la Bible, « Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie, et l’homme devint un être vivant (nephesh). » La Création toute entière peut être vue comme une émanation du souffle (ruah) du Créateur : après le big bang sont apparus l’hydrogène et l’hélium ; ces gaz se sont ensuite condensés pour donner naissance à d’autres substances gazeuses, qui à leur tour ont formé les liquides et les solides. Comme la vie, la matière est issue du souffle originel.
La vie de tout être humain commence par une inspiration et s’achève par une expiration. Au fil des années, notre capacité respiratoire a tendance à s’amoindrir. Cette diminution est un grave handicap sur les plans biologique, psychologique et spirituel. Bien respirer, c’est préserver notre équilibre intérieur, augmenter nos défenses contre la maladie, la dépression, la sénescence et la dégénérescence mentale. Une partie de la nourriture et de l’eau que nous absorbons se transforme en énergie grâce à des microcentrales d’énergie appelées mitochondries, qui produisent l’ATP nécessaire à la vie de nos cellules. Avec le vieillissement, le nombre des mitochondries diminue. À la mort, celles-ci cessent de fonctionner. Les respirations lentes et profondes permettent de compenser la diminution des apports mitochondriaux et ralentissent les processus dégénératifs. Le Kriya Yoga de Babaji est basé sur ce principe. La respiration profonde permet aussi de lutter contre diverses maladies et toutes les habitudes incontrôlées : addiction à la violence, à la drogue, au sexe, au jeu, au tabac, à la boisson, etc… Durant les périodes de jeûne, la respiration profonde diminue les sensations de faim, de soif et de fatigue. C’est aussi un ascenseur spirituel : elle accélère l’évolution.
L’importance de la respiration est connue depuis la nuit des temps en Inde, mais aussi dans nombre de traditions. En Égypte ancienne, le dieu Créateur Atoum était la source du Souffle primordial et de la Lumière, symbolisés par son fils, Shou ; les Égyptiens considéraient le souffle comme la clef de la vie éternelle. La respiration (nefa) avait pour eux une importance capitale. Le Sèma Taoui, emblème constitué de l’image stylisée de la trachée artère et des poumons, représentait la réconciliation des forces antagonistes et le dépassement du dualisme. Ce symbole, équivalent parfait du mot yoga, évoquait la maîtrise de soi et l’état de paix intérieure qui permet l’union mystique avec l’Unique (Ouâ).
En Afrique subsaharienne, les Diola Adiamat de Guinée Bissau voient dans l’appareil respiratoire l’axe biologique du corps humain. Pour eux, la peur, la jalousie, la colère ont un impact négatif sur la respiration.
Les Esséniens disaient que ceux qui respirent lentement et profondément attirent l’ange de la paix dans leur âme. Dans la tradition chrétienne, le Saint-Esprit (Spiritus Sanctus ou Agios Pneuma) est étymologiquement le Souffle de Dieu. Les mots français esprit, inspiration, expiration, respiration dérivent tous du latin spiritus, qui veut dire « souffle, vent ». Aujourd’hui encore, les hésychastes synchronisent prière et respiration.
Pour les taoïstes, la maîtrise du souffle est une voie de transmutation conduisant à l’immortalité.
Selon le Samkhya, le grand souffle intervient à travers les cinq sens en prenant les cinq formes suivantes : Akâsha, élément éther en relation avec l’ouïe, Vâyu, élément air en relation avec le toucher, Tejas, élément feu en relation avec la vision, Apas, élément eau en relation avec le goût, Pritivî, élément terre en relation avec l’odorat.
Dans la tradition indienne, l’évolution de la conscience est divisée en quatre étapes : Pratyahara, l’abstraction des sens, Dharana, la concentration, Dhyana, la contemplation, et Samadhi, la fusion avec la Conscience Suprême. La progression vers chacune de ces étapes peut être abrégée grâce à différents exercices respiratoires regroupés sous le nom de pranayama.
Les soufis utilisent le contrôle de la respiration dans le Zikr. Certains pratiquent le kumbhaka (blocage momentané et volontaire de la respiration) comme le font les yogis. Un des plus grands soufis de tous les temps, Husayn Mansûr Hallâj, né en Iran en 857 et mort à Bagdad en 922, pratiquait la pose sur la tête, technique qui favorise la maîtrise du souffle et l’éveil spirituel. Au Sénégal, j’ai vu certains soufis effectuer nadi shodhana, la respiration alternée, et des rétentions du souffle pour atteindre l’état d’Unicité ou Tawhid.
Quelle que soit notre religion, la maîtrise de la respiration est d’une grande aide sur le chemin vers la spiritualité. L’unique guerre sainte que l’homme doit mener, c’est la lutte pour parvenir à la maîtrise de lui-même, de ses humeurs, de ses colères, de ses désirs. L’asservissement d’autrui n’a rien à voir avec le vrai Islam. Tous ceux qui prétendent appliquer la charia, devraient se l’appliquer d’abord à eux-mêmes : charia bien ordonnée commence par soi-même. Dieu a interdit à Moïse de fouler la terre promise parce qu’il avait dépassé ses prérogatives. À Mahomet, il a intimé l’ordre : « Laisse-moi avec celui que j’ai créé seul (Coran, sourate 74, verset 11), Avertis seulement les mortels » (Sourate 74, verset 36), lui signifiant ainsi qu’il n’avait pas mission de s’ériger en justicier et de sévir contre ses semblables. Ce que recommande le Coran, c’est de « Délier un joug, affranchir un esclave, ou nourrir un jour de famine un orphelin proche parent ou un pauvre dans le dénuement » (Sourate 90, versets 13 à 16). Dieu surveille l’œuvre de ses Messagers comme l’indiquent les versets 26 à 28 de la sourate 72 : « C’est LUI qui connaît le mystère. Il ne le dévoile à personne, sauf à celui qu’il agrée comme Messager et qu’il fait précéder de gardiens vigilants afin qu’il sache s’ils ont bien transmis les messages de leur Seigneur ». Si même à ses prophètes ou Mursalinis, Allah demande seulement d’avertir et non de sévir, qui peut prétendre tuer en son nom ceux qu’il a animés de son souffle de vie ?
Tout en luttant contre la violence aveugle des intégristes, développons aussi la prévention afin d’éliminer les problèmes qui la nourrissent . Agissons et prions, chacun selon sa méthode et selon sa foi, pour que les fanatismes de tous bords et les pandémies, morales ou biologiques, disparaissent enfin de cette terre.
Renpet neferet, bonne année, deveneti ! Hotep, shalom, salam, peace, paix, harmonie et santé à tous les êtres ! Yogi Babacar KHANE